Description
Collection Chambre 109
Arraché à sa condition de chômeur asocial, un jeune picard est embauché dans un lycée agricole normand. Durant l’année scolaire, il va raser les murs, évitant tout conflit avec le petit monde des ados et des profs. La musique, et en premier le rock, restera le seul lien possible entre des êtres et des sexes incompatibles.
L’auteur, naturaliste un brin misanthrope, par le sens de la formule et l’autodérision, nous fait avaler en riant la pilule du désenchantement.
On trouvera dans Maîtrauxe de Francis Demarcy, un zeste de Mirbeau, une pincée de Maupassant et pas seulement à cause du décor normand.
Maîtrauxe – Extrait du livre
La gamberge mortifère est une sorte de risque professionnel pour ceux qui n’ont pas de profession. Aussi me suis-je mis en quête d’un boulot. La démarche ne m’était pas naturelle, j’étais un peu gêné à l’idée de m’adresser à d’éventuels employeurs. Sans compter que dans le piteux état mental où j’étais, ça me paraissait incongru de revendiquer une place dans la société. J’ai parcouru les annonces, j’ai répondu à quelques-unes.
Mon curriculum vitæ indiquait que je n’avais pas fait grand-chose de probant pendant mes trente premières années. Et la lettre d’accompagnement sous-entendait que je comptais continuer ainsi durant les années restantes. Malgré cela, j’eus des réponses positives, c’est-à-dire des convocations pour des entretiens d’embauche. C’était nouveau pour moi de me mettre en situation de proposer mes services. Mes interlocuteurs successifs ne croyaient pas à mon personnage d’aspirant-travailleur. Du reste, je n’arrivais pas vraiment à établir le contact avec eux. D’un candidat à l’emploi, ils attendaient une attitude et un discours déterminés. Or ils avaient devant eux l’incarnation fin de siècle du doute et de l’hésitation. Je n’avais pas les moyens de défendre mon cas, le profil bas était devenu pour moi comme une seconde nature. En général, je me faisais bouler en moins de dix minutes. Je désolais les employeurs, ou je les agaçais, c’était selon… Certains me faisaient l’effet de types à qui l’on présente une serpillière pour s’essuyer la figure, d’autres prenaient un malin plaisir à débiner mon attitude qui était celle d’un demandeur d’emploi à contrecœur. Les remarques désobligeantes, j’ai eu mon compte ! Le pompon revenant sans conteste à cette jeune directrice, genre cheftaine à poigne, qui me dit après avoir inspecté mon CV : “C’est quoi, ça ?”